Prendre le départ

Comment prendre le départ ?

Le départ d’une régate est une phase très tactique où se gagnent et se perdent de précieuses secondes. Les paramètres sont nombreux, surtout dans une flotte disparate, comme celles que l’on rencontre le plus souvent en dehors des courses de monotypes. Car en plus des aspects rêglementaires et tactiques de cette phase, il faut prendre en compte les capacités de son bateau par rapport aux autres. Par exemple, avoir de « l’air frais » est toujours important, mais devient crucial si l’on est un « petit » dans la flotte.

Ligne équilibrée - 4.1 ko
Ligne équilibrée
 
La première décision à prendre est le côté du départ. En général, il faut partir « tribord » au bateau comité. Mais ce n’est valable que si la ligne est « équilibrée ». La raison principal en est qu’évidemment, on est prioritaire sur les bateaux qui croiseraient « babord », personne ne peut alors vous imposer un virement qui pourrait vous faire perdre un avantage acquis au départ. De plus, partir le plus près du bateau comité vous laisse le champ libre à tribord pour virer si cela s’avère nécessaire, ou tactiquement avantageux, et vous assure de l’air frais.

Mais le vent étant parfois versatile, la situation peut être bien différente. Le comité et les « bateaux mouilleurs » peuvent ne pas avoir le temps de modifier la ligne en cas de bascule, et ainsi laisser une ligne « déséquilibrée » changeant la donne pour le départ. En général, afin d’éviter cette une situation qui peut être risquée, la ligne est mouillée de telle manière qu’elle soit « favorable » au bateau. Car une ligne favorable à la bouée, amène des départs de concurrents en « babord », et ainsi des croisements de bateaux au moment le plus dense de la course, on peut alors assister à quelques rencontres douloureuses si les équipages des bateaux « babord » ne réagissent pas rapidement.

Dans la phase « avant-départ », il faut donc prendre quelques mesures afin de décider du « côté » où l’on partira : 1.« prendre le vent ». Là, si l’on dispose d’une girouette bien rêglée, on connait en permanence la direction du vent, et l’on peut alors suivre son évolution, ses oscillations et ses éventuelles bascules de dernière minute. Pour ceux qui n’en ont pas, il faut plusieurs fois se mettre face au vent, et lire cette direction sur le compas, ou s’arrêter et à l’aide d’un fanion et d’un compas de relèvement « prendre le vent ». La manoeuvre peut être réalisée plusieurs fois afin de suivre les oscillations et bascules. 2.« mesurer la ligne ». On va se placer sur la ligne, et la suivre dans une direction ou une autre (cap sur la bouée, ou sur le bateau comité), afin de relever une fois de plus sur le compas l’axe de la ligne. Avec un compas de relèvement, on se place à l’extérieur, et on mesure l’alignement « bouée - bateau comité ». Ces deux angles relevés, on les soustrait afin de connaître la différence par rapport à l’angle droit. On nommera « α » l’angle entre une demi-droite côté parcours parallèle à l’axe du vent, passant par le milieu de la ligne de départ, et une autre demi-droite côté bateau comité parallèle à la ligne de départ partant du même point.

Cas 1 : α = 90° ou α < 90° => la ligne est équilibrée, ou est favorable au comité, il faut partir tribord au comité.

Ligne favorable au comité - 4.9 ko

Ligne favorable au comité

Cas 2 : α >90° => la ligne est favorable à la bouée, il faut prendre en compte de nouveaux paramètres pour prendre une décision, dont : La longueur de la ligne. En effet, une ligne courte impliquera que partant babord à la bouée, on rencontrera rapidement le reste de la flotte qui arrive tribord et nous impose un virement, ce qui peut être préjudiciable à la vitesse du bateau.

Ligne favorable à la bouée - 5.5 ko

Ligne favorable à la bouée

La valeur absolue de cet avantage. Je ne connais pas l’angle minimum donnant un avantage sérieux à ce type de départ. Pour moi, c’est une mesure « pifométrique », on doit le sentir. Si quelqu’un peut le préciser, qu’il le fasse en bas de l’article.

La position de la bouée au vent, ou de la prochaine marque de parcours. En théorie, la bouée au vent dans un parcours technique (banane ou triangle) doit être mouillée au vent de la bouée de départ (en gros, et pour faire vite), et sur une ligne parallèle à l’axe du vent. Mais de même qu’une bascule peut déséquilibrer la ligne départ. Là je vous laisse réfléchir, faites des petits schémas. Sur un « côtier », sauf si une bouée de dégagement est présente, auquel cas elle sera mouillée de la même manière que la bouée « au vent » d’un parcours technique, la prochaine marque pourra être un cap, un haut-fond ou n’importe quel obstacle de la côte. Là aussi je vous laisse réfléchir. En dernier lieu, si l’on connait la tendance d’évolution météo, on doit aussi choisir un côté du parcours. Ce point fera l’objet d’un autre article.

Pourquoi est-ce favorable ?

Le premier bord d’un parcours, à l’exception des parcours atypiques, est une remontée au vent, donc une navigation au près avec des virements (louvoyage). Dans ce cas, pour mesurer les écarts, on trace une ligne perpendiculaire à l’axe du vent passant par chaque bateau. Ces lignes sont donc toutes parallèles. Parmi les bateaux qui sont dans le « cadre » (on verra ça plus tard), celui qui se trouve sur la ligne la plus proche de la prochaine marque (bouée au vent) est celui qui est en tête de la flotte. Lorsque l’angle α est supérieur à 90°, la bouée de départ plus proche de la bouée au vent que le comité, et par conséquent, les bateaux qui partent à cette bouée ont gagné quelques longueurs sur le parcours comparé aux autres. Dans certaines situations, il arrive que ces bateaux croisent le reste de la flotte devant. Là, les tacticiens des bateaux tribord se jètent à l’eau en aillant prit soin d’enfiler leur gilet de sauvetage ;-), et les skippers se mettent à hurler contre les équipiers, pensant qu’un bateau avance mieux quand on humilie les gens du bord :-(.

Conclusion

Pour les non-régatiers, tout ceci est d’un ennui total. Je peut leur assurer pourtant qu’un beau départ c’est vraiment sympa à vivre. Cette préparation est très importante, et conditionne en partie le résultat. On a pourtant vu des équipages râter totalement cette phase, et se défoncer sur les autres pour finalement gagner la manche. Dans ce cas, cela a peut-être fonctionné comme un aiguillon pour maintenir la concentration à bord. Dans un départ râté, tout le monde se sent fautif, et chacun cherche à rattraper sa bourde. A moins que l’on ne rejette la faute sur un équipier en particulier qui est alors accablé par ses copains, là c’est moins drôle, et ce dernier a peut-être intérêt à se demander s’il est vraiment entouré de « copains ». Les erreurs et la chance font partie du jeu, car ce n’est que ça, un « jeu ».

A bientôt pour d’autres phases d’un parcours technique ou côtier.

Écrit par Stéphane Siohan le jeudi 9 juin 2005